“ My life is like a wound I scratch so I can bleed, regurgitate my words, I write so I can feed and death grows like a tree that's planted in my chest, its roots are at my feet, I walk so it won't rest ”


Vide. Voilà comment elle se sentait ; totalement vide. Elle n'avait plus envie de rien. Elle ne voulait pas sortir, elle ne voulait pas manger, elle ne voulait pas lire un livre ou encore regarder la télévision. Elle n'avait envie de rien et cela faisait maintenant des semaines que ça durait. Elle avait perdu le goût de tout le jour où le coeur de sa soeur avait arrêté de battre. En plus de la culpabilité et de la tristesse qui la rongeaient, elle s'ennuyait royalement. Elle devenait folle, ou l'était déjà, elle le savait très bien, mais personne ne pourrait jamais comprendre à quel point elle se haïssait pour ce qu'elle avait fait à sa soeur. C'était de sa faute à elle, tout était de sa faute. Et elle ne se le pardonnerait jamais ; elle n'y arriverait pas. Elle n'était pas une bonne personne. Elle avait laissé sa soeur mourir. Jamais elle n'aurait dû l'emmener, cette idée avait été totalement absurde et elle ne s'en était rendu compte que quand sa petite Lucia était au plus mal. Mais une des choses qui la tuaient le plus, c'est qu'elle n'avait jamais dit au revoir à ses parents. Elle s'était enfui avec sa soeur sans rien leur dire, sans leur adresser un mot, sans un au revoir. Puis ils étaient morts. Et aujourd'hui, elle n'avait aucun moyen de leur parler, aucun endroit où se recueillir ; le district ayant été bombardé, personne n'avait retrouvé leurs corps, ils n'avaient donc aucune tombe. Alors elle restait là, assise sur sa chaise à se balancer d'avant en arrière comme la pauvre attardée qu'elle était devenue. "Tu dois vivre" lui avait dit sa soeur. Elle ne vivait pas, elle survivait. Elle ne respectait même pas les dernières volontés de sa soeur. Non, décidément, elle ne méritait pas de vivre. C'est sa soeur qui aurait dû vivre à sa place. Elle aurait tout fait pour que se soit elle qui arrive en vie au district treize. Elle qui soit soignée. Elle qui refasse sa vie. Lucia aurait profité de la vie, elle le savait. Au fond, elle était bien plus mature qu'elle ; elle avait déjà tout comprit de la vie à à peine six ans.

Comme tous les jours depuis qu'elle était revenue au district douze, elle s'était réveillée à l'aube, n'ayant encore dormi que quelques pauvres heures, les cauchemars hantant toutes ses nuits. Elle y voyait sa soeur, seule, courant dans la forêt, se faisant suivre par des mutations de loups immenses. Oui, les jeux de la faim traumatisaient décidément tout le monde, même ceux n'y ayant jamais participé. Elle se voyait, essayant tant bien que mal de rattraper sa soeur, hurlant de toutes ses forces pour que les mutations disparaissent. Et juste avant qu'elle puisse rattraper Lucia, elle se réveillait. Toutes les nuits elle faisait ce foutu rêve et toutes les nuits elle n'arrivait plus à se rendormir après. Elle se levait donc, encore épuisée. Ses nuits n'étaient définitivement pas réparatrices. Elle partit directement dans la salle de bain, prit une douche froide puis s'habilla. Posy évitait le plus possible les miroirs ; elle ne voulait pas voir à quoi elle ressemble. Elle faisait peur, elle le savait. Elle ne mangeait pratiquement rien, se contentant seulement de boire un thé quand elle avait faim. Puis, ayant très certainement retrouvé un minimum de lucidité et de bon-sens, elle se retourna et observa son reflet ; elle était maigre, oh oui, elle ne l'avait très certainement jamais autant été, sa peau était pâle, trop pâle, son visage creusé et inexpressif, ses cheveux ternes. La seule couleur sur son visage venait de deux grands cernes violets qui s'étalaient sous ses yeux. Elle n'était plus Posy, cette fille douce et joyeuse, respirant la joie de vivre. Elle n'était plus qu'un corps sans vie, cette chose qui ressemblait vaguement à une fille. Comment avait-elle pu en arriver là ? Autrefois, elle n'était pas la plus belle des filles, mais elle avait ce charme naturel, elle rayonnait. Aujourd'hui, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même ; elle ne ressemblait à rien. Elle n'était plus belle. Elle était fade. Soupirant, elle se détourna du miroir, sortit de la pièce et descendit les escaliers pour rejoindre le salon. Elle s'assit sur son fauteuil, fixant le mur en face d'elle, le regard vide, comme à son habitude. Elle ne sait pas combien de temps elle était restée comme ça, mais quand elle entendit un coup à sa porte, elle sursauta. Elle trouva ça étrange, elle n'attendait personne. Quand elle ouvrit la porte et découvrit la personne en face d'elle, elle sourit. Ça faisait des semaines qu'elle n'avait pas sourit.